Invité par la comtesse Greffulhe à séjourner dans sa propriété de Bois-Boudran avec sa famille, Helleu y réalise une série d’esquisses et de pastels ainsi que des portraits de son hôtesse. La comtesse fut présentée à Helleu par l’intermédiaire de son cousin Robert de Montesquiou, dandy et homme de lettres dont Helleu a réalisé un portrait. Collectionneuse curieuse et éclairée, muse, mécène et parfois même agent artistique, elle appréciait la compagnie des artistes et fréquentait entre autres Franz Liszt, Gustave Moreau, La Gandara, Nadar, Rodin et Proust.
Marcel Proust s’est d’ailleurs inspiré de la comtesse pour le personnage de la duchesse de Guermantes et de son ami Helleu pour le peintre Elstir dans À la recherche du temps perdu. Ces trois personalités sont donc doublement liées, sous la plume de l’écrivain et sous les crayons du dessinateur.

Notre oeuvre représente Alice Helleu, femme de l’artiste, allongée dans l’herbe près de son ombrelle, observant les paons dans le parc. Le cadrage en plongée offre une composition moderne influencée par le japonisme et la robe blanche à rayures bleues de Madame Helleu n’est pas sans rappeler celles des peintures de Monet, ami de Paul Helleu. L’exécution vibrante et rapide est typique de la virtuosité de l’artiste. La diagonale de son corps est marquée par le rappel de sa chevelure rousse dans son soulier de cuir, qui contraste harmonieusement avec ses bas bleutés. Sa silhouette se détache dans les herbes jaunes et vertes rapidement tracées dont l’estompe suggère le bruissement.
La vision moderne et la virtuosité de Paul Helleu subliment cette évocation impressionniste de sa femme Alice, livrant un instantané de grand format qui prend place dans un lieu emblématique du milieu artistique de la fin du XIXe siècle.