Le trésor d'Hortensia en vente jeudi 7 juillet 2022
Côte d’Azur, 1998...
Une vieille dame appréciée de ses partenaires de bridge, qui la prénomme affectueusement Hortensia, va quitter ce monde, offrant ses biens matériels par le biais d’un legs universel à l’actuelle propriétaire des objets vendus aujourd’hui. Un lourd sac, trouvé au fond d’une cantine, ne retient guère l’attention de notre légataire. Il va la suivre tout au long de plusieurs déménagements.
Ce sac - environ 13 kilos - contient plus de 4000 monnaies romaines de billon, des antoniniens qui couvrent plus de 30 ans de l’histoire de l’Empire : la plus ancienne porte l’effigie de Gordien III (238-244) et la dernière est frappée sous Victorin (269-271)
Ce qui est sans nul doute un trésor va être révélé une deuxième fois en 2022 lorsque sa propriétaire décidera de s’en séparer. Le mystère de sa première découverte restera intact, aucune documentation sur son lieu de trouvaille n’étant connue.
Des démarches sont alors entamées pour se rapprocher du Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Nationale de France, où des informations sur l’époque de l’enfouissement et sur la rareté de telles découvertes vont lui être données.
Dirigée vers le Service Régional de l’Archéologie dépendant de la DRAC Ile-de-France où un examen de l’ensemble va être effectué, une décision d’autorisation de libre disposition sera prise, au regard de la relative fréquence de découvertes similaires (dans des quantités jusqu’à 10 fois supérieures), et des nombreuses études déjà réalisées par les spécialistes de cette période, ainsi que de l’état d’oxydation de ces monnaies.
Un trésor a besoin d’un nom, nous avons d’abord pensé à l’époque de son enfouissement, dite « des trente tyrans»... Nous lui avons préféré celui plus aimable de «Trésor d’Hortensia».
Les Empereurs et Impératrices représentés :
- Gordien III (238-244)(1 exemplaire)
- Trajan Dèce (249-251) (peu d’exemplaires)
- Trébonien Galle (251-253) (peu d’exemplaires)
- Emilien (253) (1 exemplaire)
- Valérien (251-260) et Marinianne (quelques dizaines d’exemplaires)
- Gallien (253-268) (en grand nombre dont la majorité de l’atelier de Trèves) et Salonine (268)
- Leurs enfants Valérien II (256-259) et Salonin (260)
- Macrien, usurpateur (261)(1 exemplaire) - Postume (260-269)(L’empereur le plus représenté), dont quelques exemplaires à son nom frappés à Milan par Aureolus, un de ses généraux.
- Marius (269)(quelques exemplaires)
- Victorin (269-271)(quelques dizaines d’exemplaires), sous le règne duquel a dû être enfoui ce lot.
La plupart des personnages cités, issus des plus hauts rangs de Rome, ont connu des vies mouvementées à une époque qui est dite des 30 tyrans : usurpations du titre de l’Empereur, trahisons, mise au triomphe par des troupes qui vont souvent se retourner contre leur idole, meurtres subis ou commandités dans une ambiance de délitement de l’Empire : de tous bords les frontières sont régulièrement franchies par les barbares et l’inquiétude était le pain quotidien des citoyens de l’Empire, ce qui engendrera de nombreux enfouissements, ceux-ci n’ayant pu être récupérés par la suite, du fait du tragique destin de leurs propriétaires.
Il peut exister un environnement (temple antique, champs de batailles identifiés) ou des indices (bijoux ou vaisselles gravés) qui pourraient autoriser des hypothèses sérieuses de propriété... Pour l’époque moderne, l’origine du bâtiment où le trésor a pu être emmuré, les testaments qui peuvent accompagner les monnaies, l’identification du bateau par les archives de son propriétaire ou d’une compagnie d’assurances peuvent en rendre la paternité plus aisée.
Quant à celui-ci, est-il le seul bien précieux qu’un particulier aura pu emporter dans sa fuite ? Une encaisse de marchand ? Une partie de trésor de légion en déplacement ? Le fruit de rapines ? Ce trésor aujourd’hui dispersé n’aura pas livré son secret.
De cet ensemble ont été extraites les monnaies les plus intéressantes présentées à l’unité ou en petits lots thématiques. Quelques unes ont été nettoyées afin de les mettre en valeur, ce fastidieux travail pourra donner une idée de ce qui se trouve sous la croute vert de gris recouvrant les monnaies les plus communes, qui vont être vendues en lots plus importants.
Vifs remerciements à Frank LAGNITRE qui nous a beaucoup aidé, et dont l’oeil acéré a permis de répérer les pépites cachées de ce trésor.
Bruno BARRET Membre de la Compagnie Nationale des Experts
En vente ce jeudi 7 juillet à 14h - Salle Rossini 75009 Paris